Quand au mouton b?lant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort,
P?tres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s’informe plus de son sort.
Les enfants qui suivaient ses ?bats dans la plaine,
Les vierges aux belles couleurs
Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine
Entrela?aient rubans et fleurs,
Sans plus penser ? lui, le mangent s’il est tendre.
Dans cet ab?me enseveli
J’ai le m?me destin. Je m’y devais attendre.
Accoutumons-nous ? l’oubli.
Oubli?s comme moi dans cet affreux repaire,
Mille autres moutons, comme moi,
Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire,
Seront servis au peuple-roi.
Que pouvaient mes amis? Oui, de leur main ch?rie
Un mot ? travers ces barreaux
E?t vers? quelque baume en mon ?me fl?trie;
De l’or peut-?tre ? mes bourreaux…
Mais tout est pr?cipice. Ils ont eu droit de vivre.
Vivez, amis; vivez contents.
En d?pit de—-soyez lents ? me suivre.
Peut-?tre en de plus heureux temps
J’ai moi-m?me, ? l’aspect des pleurs de l’infortune,
D?tourn? mes regards distraits;
A mon tour, aujourd’hui; mon malheur importune:
Vivez, amis, vivez en paix.
(Andre Marie de Chenier)
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