C’est un petit chat noir effront? comme un page,
Je le laisse jouer sur ma table souvent.
Quelquefois il s’assied sans faire de tapage,
On dirait un joli presse-papier vivant.
Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge ;
Longtemps, il reste l?, noir sur un feuillet blanc,
A ces minets tirant leur langue de drap rouge,
Qu’on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.
Quand il s’amuse, il est extr?mement comique,
Pataud et gracieux, tel un ourson dr?let.
Souvent je m’accroupis pour suivre sa mimique
Quand on met devant lui la soucoupe de lait.
Tout d’abord de son nez d?licat il le flaire,
La fr?le, puis, ? coups de langue tr?s petits,
Il le happe ; et d?s lors il est ? son affaire
Et l’on entend, pendant qu’il boit, un clapotis.
Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
Et ne rel?ve enfin son joli museau plat
Que lorsqu’il a pass? sa langue r?che et rose
Partout, bien proprement d?barbouill? le plat.
Alors il se pourl?che un moment les moustaches,
Avec l’air ?tonn? d’avoir d?j? fini.
Et comme il s’aper?oit qu’il s’est fait quelques taches,
Il se lisse ? nouveau, lustre son poil terni.
Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ;
Il les ferme ? demi, parfois, en reniflant,
Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
Avec des airs de tigre ?tendu sur le flanc.
(Edmund Rostand)
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