J’entrais dans mes seize ans, leger de corps et
d’ame,
Mes cheveux entouraient mon front d’un filet d’or,
Tout mon etre etait vierge et pourtant plein de
flamme,
Et vers mille bonheurs je tentais mon essor.
Lors m’apparut mon ange, aimante creature;
Un beau livre brillait sur sa robe de lin,
Livre blanc; chaque feuille etait unie et pure:
“C’est a toi, me dit-il, d’en remplir le velin.
“Tache de n’y laisser aucune page vide,
Que l’an, le mois, le jour, attestent ton labeur.
Point de ligne surtout et tremblante et livide
Que l’oeil fuit, que la main ne tourne qu’avec
peur.
“Fais une histoire calme et doucement suivie;
Pense, chaque matin, a la page du soir:
Vieillard, tu souriras au livre de ta vie,
Et Dieu te sourira lui-meme en ton miroir.”
(Julien Auguste Pelage Brizeux)