Troupeaux ob?issants,
troupeaux d’hommes en guerre
les uns contre les autres, sans savoir pourquoi.
Pour la Patrie, pour Dieu, pour l’Humanit?,
ou pour d’autres fant?mes:
Ecoutez-moi.
Non pas tous ensemble, comme une foule, comme une
arm?e
mais chacun, comme un homme ?couterait un homme:
Tu ne peux pas te faire la guerre ? toi-m?me
tu ne peux pas d?sirer ta propre mort…
Tu crois te battre pour la Patrie,
mais la patrie est en toi, la patrie n’est qu’en toi.
Tu offres tes combats ? Dieu,
mais Dieu n’est qu’en toi, le seul dieu c’est toi.
Tu crois en tuant sauver l’Humanit?,
mais l’humanit? c’est toi, ce ne peut ?tre que toi…
Soldat, ? assassin de toi-m?me
L’Univers n’existe qu’en toi.
Chaque ennemi abattu
est un peu de toi-m?me qui meurt,
le sang du troupeau est un peu de ton sang,
et chaque jour qui passe et chaque mort qui tombe
te rapproche du n?ant.
Je sais, tu vas me dire:
il y a les lois, les juges et les gardes
les prisons et les bagnes
et les pelotons d’ex?cution.
Je sais.
Il y a tous les mauvais chiens
qui mordent au jarret les b?tes au troupeau.
Mais je sais aussi
que tu n’as pas su choisir entre les risques.
Ecoute:
Je ne t’enseigne point l’apostolat, ni le martyre
mais simplement la Vie
et l’amour de toi-m?me.
Tu ne poss?des pas et je n’ai pas moi-m?me
la grandeur des statues ?ternelles.
Je ne te demande point d’?tre l’Exemple
dress? avec ta chair, malgr? ta peur,
pour l’immortel enseignement
de tes fr?res les hommes…
Je ne t’enseigne point l’apostolat, ni le martyre
mais simplement la Vie
et l’amour de toi-m?me.
Ne sais-tu pas que le monde est immense?
Et puisque tu n’as pas cet h?ro?sme
qui grandit les esclaves et abat les tyrans
puisque ton ?go?sme est si petit
qu’il ne sait qu’ob?ir, et ruser, et feindre,
servir sans foi, se d?filer sans col?re:
Humblement, modestement,
Va-t’en!
(Eugene Camille Delong)